VOUS AVEZ DIT « FOUDRE GLOBULAIRE » ? UNE BREVE ANALYSE ZETETIQUE. Par Éric Maillot

par PSY Dim 15 Mai - 19:22

VOUS AVEZ DIT « FOUDRE GLOBULAIRE » ? UNE BREVE ANALYSE ZETETIQUE.

Le résumé de cette observation, d’abord classée « Inexpliqué PAN D » en 1983 puis reclassée « Probable foudre globulaire PAN B » en 2015, est disponible ici sur le site du GEIPAN :

https://www.cnes-geipan.fr/fr/cas/1983-05-00977 (cnes-geipan.fr)

L’explication par une foudre globulaire est issue de l’expertise suivante :

https://www.cnes-geipan.fr/sites/default/files/Laboratoire%20de%20Recherche%20sur%20la%20Foudre-R.pdf

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Selon les données météorologiques disponibles (voir sources ci-dessous), il est aisé de vérifier qu’aucun orage n’est constaté dans une large région autour de Labatut à 2h du matin sauf à Pau après 21h -23h le 5 mai (mais rien le 6 mai à 2h du matin dans l’éventualité d’une erreur classique « nuit du X au Y »). Force est de constater qu’ici l’acceptation par le GEIPAN de l’expertise suscitée relève uniquement de « l’argument d’autorité » mais pas de données météorologiques vérifiées ni même des conditions météo locales données par le témoin.

https://www.infoclimat.fr/observations-meteo/archives/5/mai/1983/pau-uzein/07610.html

https://www.infoclimat.fr/observations-meteo/archives/6/mai/1983/pau-uzein/07610.html

https://www.infoclimat.fr/observations-meteo/archives/5/mai/1983/dax-seyresse/07603.html

https://www.infoclimat.fr/observations-meteo/archives/5/mai/1983/biarritz-anglet/07602.html

Si vous avez lu au préalable de procès-verbal de gendarmerie, vous aurez peut-être remarqué que certains détails permettaient d’emblée de douter de la présence possible d’une foudre globulaire (au vu des passages soulignés en rouge dans l’extrait ci-dessous) :
https://www.cnes-geipan.fr/sites/default/files/PV%20n%C2%B0448%20%281983308039%29.pdf

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Faisons maintenant une rapide analyse des données disponibles :

- La description d’un (voire deux ?) « engin » volant possédant « des lumières » « devant et sur les 2 côtés » n’est pas connue pour être typique des caractéristiques de la foudre globulaire. D’autres éléments ne correspondent pas à la typologie classiquement reconnue de ce phénomène comme la montée, la vitesse rapide de déplacement, l’absence d’orage et surtout d’impact d’éclair, un ciel étoilé. Enfin la taille estimée de 4 à 5m est très largement supérieure en ordre de grandeur à la moyenne connue des foudres globulaires qui n’est que de 30cm environ (y compris dans l’étude statistique du même Laboratoire de la foudre (1)). Ces constats amènent logiquement à exclure un quelconque phénomène orageux d’autant plus du type rarissime de « foudre en boule », factuellement encore inexpliqué et toujours controversé (non validé scientifiquement) !

- Dans l’hypothèse d’une « foudre globulaire » celle-ci aurait ici de surcroît la capacité, pour le moins étrange, de se mouvoir rapidement contre le vent (1) puisqu’elle vient en face du témoin de l’Ouest-Sud-Ouest, quasiment contre le vent (même faible) venant d’Est-Sud-Est. Elle aurait enfin dû partir vers l’Ouest-Nord-Ouest et non pas globalement vers le Nord…

- La forme oblongue, ovalisée, les trois feux et le constat d’un brouillage concomitant de la radio (s’il est réellement lié au PAN) orientent vers un aéronef, probablement militaire du type hélicoptère. Ceux-ci possèdent un émetteur radio multifréquence. Ils peuvent aussi être équipés d’un radar de suivi de sol et/ou de ciblage-identification des véhicules au sol. Leur faisceau d’onde est logiquement dirigé vers l’avant donc en direction du véhicule du témoin. Ces instruments sont susceptibles d’interférer avec certaines longueurs d’ondes d’émissions radiophoniques (NDA : des radars au sol le font parfois de manière cyclique).

=> Recherche des données sur la présence ou l’absence d’avion ou hélicoptère : Aucune donnée n’est disponible dans le rapport Gendarmerie et aucune enquête complémentaire du GEPAN n’a été menée sur ce point clé (données du trafic aérien, usage d’hélicoptères ALAT ou médicaux, …). L’hypothèse d’une méprise avec un aéronef n’a pas été envisagée et n’est donc pas exclue.

- Le témoin ne peut « donner de couleur » ce qui est logique s’il parle du corps du PAN vu de nuit. Toutefois un hélicoptère classique présenterait trois lumières qui, normalement, seraient rouge, blanche et verte qu’il ne décrit pas. Il indique seulement des lumières bleutées, probablement pour les différencier en nuance de celles des seuls phares jaunes de véhicules qu’il croisait en 1983. Les phares blancs à reflets bleutés se banaliseront sur les véhicules uniquement après 1993. Il serait à vérifier si les hélicoptères militaires étaient équipés de telles ampoules dès 1983 et s’ils pouvaient allumer/éteindre sélectivement les feux de leurs appareils en mission de nuit.

- Le témoin ne se situe pas à proximité d’un aérodrome => Un atterrissage ou décollage d’avion est donc ici très improbable.

Dans la direction d’éloignement du PAN, vers le « Nord-Nord-Est » de la position du témoin, il y a Dax avec son école de formation des pilotes ALAT d’hélicoptères. Ceux-ci volent souvent dans le secteur de Peyrehorade (2), ville située à environ 5km en face de la route du témoin. Le témoin indique plus loin dans le P.V que le PAN part au « Nord-Nord-Ouest vers Pau » or cette ville se situe en réalité au Sud-Est du témoin. Dax est exactement au N/N-O. La ville de Pau, d’où est parti le témoin, héberge le 5eme régiment d’hélicoptères de combat (RHC).

https://fr.wikipedia.org/wiki/5e_r%C3%A9giment_d%27h%C3%A9licopt%C3%A8res_de_combat

Un tel environnement rend probable une méprise avec un hélicoptère de type militaire.

https://www.google.fr/maps/place/HeliDax/@43.6874789,-1.073599,477m/data=!3m1!1e3!4m5!3m4!1s0xd56af5b3a7d72ed:0xf11175d5f41becd4!8m2!3d43.6864928!4d-1.0685233?shorturl=1

- Un hélicoptère est bruyant pourtant le témoin mentionne une absence de bruit. Le passage du PAN au plus près semble s'être produit, selon le récit, durant le calage moteur qui en général est assez bruyant (moteur qui broute avant l'arrêt) et pendant les parasites radio dont le fort craquement marque la mémoire du témoin. Dès que le véhicule s'arrête, le PAN s'éloigne rapidement selon le témoin. Reste alors la radio toujours en marche et un possible effet dominance du visuel sur l’auditif d’autant que le témoin se dit « très surpris ». Il ne mentionne pas avoir baissé une vitre pour mieux écouter. Enfin le vent (3) faible venant du 100° à 120°N (donc de l’arrière du véhicule vers son avant) ne favoriserait pas la perception du bruit d'un hélicoptère arrivant en face et virant à droite du véhicule (orienté vers l’ouest). Le témoin indique un « léger vent de Sud » (venant de sa gauche) qui ne favoriserait pas plus l’audibilité. On ignore aussi un paramètre important pour le niveau de décibel perceptible : la distance du PAN au témoin.

- Le témoin pense que ses deux observations successives (la première très brève dans son rétroviseur lors du croisement avec le camion) ne sont qu’un unique PAN mais, vu la rupture d’observation décrite, il est possible d’envisager deux PAN. Les hélicoptères volent facilement en duo. Ce serait inenvisageable pour une doublette de « foudre globulaire » …

Conclusion : l’explication la plus probable devrait donc être « PAN B - un ou des hélicoptères » probablement militaires en vol de nuit. Le manque d’information du P.V initial (croquis, photos sur site de jour, reconstitution et relevé des positions relatives PAN-Témoin) et d’enquête complémentaire au-delà, peut en faire un PAN C (au pire un D1). Ce cas ne pourrait être « définitivement identifié - PAN A » qu’à l’issue d’une longue investigation complémentaire et positive auprès de l’école de pilotage de Dax, de l’ALAT de Pau ,... Seule certitude : un tel témoignage ne devrait, quoiqu’il en soit, en aucun cas être assimilé à une « foudre en boule » ou « foudre globulaire ».

Eric Maillot, membre CNEGU, 10 mai 2022.
PS : Remerciement à Gilles Munsch pour ses critiques pertinentes qui ont permis d’affiner ce texte.

(1) A statistical study of ball lightning events observed in France between 1994 and 2011 Raymond Piccoli, Raymond Blundell, International Journal UEP, Vol.6, 2014.
https://www.labofoudre.com/app/download/18366200/a+statistical+study+of+ball+lightning+events+observed+in+france+between+1994+and+2011-+uep+vol.6+2014.pdf

(2) Ce constat est personnel puisqu’ayant de la famille à Peyrehorade, j’ai pu maintes fois y voir ces hélicoptères « école » d’Hélidax servant à la formation des pilotes ALAT survoler longuement les alentours de la ville en journée.

(3) Vent venant d’Est-Sud-Est (120 à 100°N) pour Dax la nuit du 4 au 5 mai ; du 120°N pour Pau à 2h et du 100°N à Biarritz à 2h le 5 mai. Vitesse globalement faible de 4 à 13km/h selon la station. La température (« lourde ») à 2h du matin se situait probablement (pas de données à 2h du matin pour Dax) entre 14 et 16° avec un taux d’humidité avoisinant les 70%.

LIEN PDF : https://drive.google.com/file/d/1M-bLWj1YBkWKT-5o3OwJygO8Fklf-Xv-/view?usp=sharing