Article de réflexion sur l’analyse du témoignage ovni Par RRE

Ayant participé à une conférence d’un historien à la BNF sur les rapports entre histoire et le genre Fantaisy, j’ai noté une expression que je ne connaissais pas : la « suspension d’incrédulité ». L’universitaire a expliqué que cette dénomination était un phénomène cognitif fonctionnant sur les spectateurs au cinéma ou devant les séries télévisuelles de fiction (1).

Le spectateur, devant le déroulement d’images animées, accepte de ne plus faire appel à sa raison le temps d’une histoire. Nous acceptons les récits fantastiques, les contes et légendes sans broncher. Dans le mémoire de Master sur le film Rencontre du IIIe type de Steven Spielberg (1977), l’autrice site plusieurs fois cet argument (2).

Inévitablement, j’ai pensé aux très nombreux récits de témoignages d’observation d’ovni que j’ai entendu lors de mes enquêtes de terrain en tant qu’ufologue.
L’auteur Michel Monnerie en parle sous d’autres termes dans ses deux livres critiques de l’Ufologie (3). Il écrit que lors d’une observation, le témoin reconnait au début le phénomène comme la lune ou vénus, puis il rejette l’explication pour se laisser glisser dans une sorte de « rêve éveillé ».

Aussi, je vous invite à lire quelques exemples d’observations insolites qui ont trouvé une explication après enquête.

En été 1963 ou 1965, une adolescente passe ses vacances scolaires chez sa tante à SaintMax (54), banlieue de Nancy. Vers 8h, elle est tirée du sommeil par les rayons du soleil filtrant par les volets de la chambre où elle dort avec ses deux soeurs. Au moment de se lever, elle a la stupeur de voir en face d’elle une silhouette massive «cubique» de couleur blanche. L’étrange personnage d’1,60 m de haut est immobile et semble tenir dans ses bras une masse informe brillante de couleur métallique. Apeurée par cette «apparition» sans visage, d’aspect lisse et froid, qui n’est qu’à 2 mètres à peine d’elle, l’adolescente se cache sous les draps, sans pour autant réveiller ses soeurs couchées à côté d’elle (!) Après de longues minutes d’angoisse, la curiosité la pousse à regarder à nouveau: l’intrus a disparu (6).

Cette «expérience» de vision dans une chambre alors que le témoin est couché (appelée désormais Visiteurs de Chambre à Coucher) et le fait, qu’ici, la jeune-fille ne réveille pas ses soeurs tendraient à penser à un phénomène d’état hypnopompique : la personne dort, elle rêve qu’elle se réveille alors que son cauchemar continue. A son véritable réveil, elle croit fermement avoir vécu la réalité de sa vision (4).

Un soir de septembre 1976, un couple roule sur petite route reliant Réméréville à Hoéville (54).Sur leur droite, dans un verger, ils aperçoivent une lueur orange carrée, ils pensent à un feu de cabanon de jardin. Continuant la route, ils retrouvent cette fois la luminosité orange dans le ciel sous la forme d’un chaudron dardant des rayons vers le haut face à eux. Le conducteur accélère essayant de poursuivre vainement le phénomène qui semble s’éloigner à grande vitesse au loin (6).

Ici les témoins en mouvement rationnalisent en pensant à un feu dans un pré, puis ils écartent l’explication quand ils retrouvent le phénomène dans le ciel face à eux. A ce moment là, la suspension d’incrédulité se déclenche, ils ne reconnaissent pas …la Lune présente cette nuit là justement dans cette direction. L’illusion de la vitesse de l’ovni étant créée par le mouvement du véhicule et de la géographie des lieux (montées et virages) (5).

Le mardi 21 novembre 1978, à Champenoux (54), un astronome amateur confirmé, sort dans son jardin pour terminer la pellicule qui reste dans son appareil photo argentique. Il décide de viser l’observatoire qu’il a lui-même construit quelques années auparavant et dans lequel, il observe et photographie les astres. Il cadre et tire sa dernière pose. Quelques jours plus tard, il remarque un détail insolite sur la dernière prise. Curieux, il fait agrandir le petit 3 «objet» qu’il n’a pas observé à la prise de vue. Et là...il croit distinguer un disque vu du
dessus avec un habitacle central translucide laissant apparaître un pilote casqué ! Lors de notre enquête, après un examen à la loupe du négatif, nous découvrons une perforation minuscule à l’endroit soupçonné. Le trou irrégulier dessine le «pilote», un halo blanc s’est formé autour du relief au développement, créant ainsi le «dôme» de l’hypothétique «appareil». Un second halo concentrique, légèrement dégradé en valeur, constitue la «carrosserie» du disque. L’astronome (qui n’avait pas vu de ses propres yeux l’objet) a interprété la tache à sa façon, perdant toute objectivité, comme pour les célèbres tests de Rorschach en psychiatrie (6).

Le jeudi 23 novembre 1978, vers 17h00, à Pont-à-Mousson (54), une mère de famille habitant au Haut du Rieupt (sur un coteau) revient de l’école où elle est allée chercher ses deux fils. Alors qu’elle arrive à une centaine de mètres de son domicile en voiture, elle aperçoit trois énormes phares de couleur rouge orange qui l’éblouissent. Ils proviennent d’un étrange engin au-dessus d’un champ labouré bordant la route. Un bruit assourdissant effraie les témoins et ils ont la stupeur de voir le mystérieux appareil (un disque bombé surmonté d’une coupole opaque, le tout verdâtre, d’un diamètre de 10 m) survoler leur véhicule pour s’éloigner dans le ciel. Les témoins se réfugient dans la maison et peuvent observer, pendant deux heures, le même manège de l’ovni qui effectue de grandes boucles au-dessus de la région. En fait il s’agit d’un avion militaire de type Jaguar survolant la région (6).

Dans la nuit du dimanche 2 au lundi 3 janvier 1994, à 00h05, toute une famille habitant une zone pavillonnaire à Tronville-aux-Barrois (55) est surprise par une lumière sur un chemin derrière chez eux. Un bruit de réacteur les pousse à sortir et voir un objet posé semblant circulaire avec une coupole éclairée, et deux phares blancs. Observant aux jumelles, ils se persuadent qu’ils ont à faire à une RR3 quand un être sort et éclaire avec une lampe torche les alentours. Un sifflement aigu et le glissement de l’objet terminent l’observation. Un voisin parlera d’une voiture, et de son conducteur, garée sur le chemin. Les gendarmes retrouveront effectivement le véhicule recherché (7). Comment toute une famille perd son objectivité devant un spectacle assez banal somme toute (une auto stationnée de nuit sur un chemin avec un bruit de courroie).

Le soir du 15 juillet 2003, alors qu’elle filme les oiseaux sur sa terrasse, une femme entend un vagissement de bébé tout près. Elle sent alors que son camescope zoome tout seul vers la droite de la mare artificielle vers un bosquet de fleurs de couleur mauve. Un visage semble se constituer lentement à partir des taches floues de couleurs au premier plan des fleurs et du jaune orange en fond. Progressivement donc un visage et une main de très jeune enfant se précisent à l’image. Le témoin filme jusqu’à la disparition de la vision. Après avoir pensé à un lutin, elle interprète l'apparition comme une image de son bébé perdu récemment. En fait, il s’agit d’une paréidolie bien connue en psychologie, qui explique les interprétations de forme dans les nuages par exemple (6)

Le vendredi 26 mai 2006, à 23h45, j’ai observé un objet insolite en forme de triangle au-dessus de Paris depuis la fenêtre de mon appartement de Montrouge à 23h45. Attiré par les feux d'un "avion" venant du NO vers la Tour Eiffel (éclairée à ma gauche), je constate qu'il vire et se présente sous la forme d’un triangle aux coins arrondis (3 feux blancs et un central rouge à éclats) il est très bas et assez imposant, hauteur 21°, il survole la tour Montparnasse, puis est caché par un gros nuage. Je cours chercher mon appareil photo, j’effectue un réglage. Le triangle ressort du nuage. Je cadre mais la lumière est trop faible, de plus un message plus de place sur la carte s’affiche. J'avertis mon frère qui constate l'éloignement des feux vers le NE vers le bois de Vincennes (6).

Etant ufologue et influencé par ma connaissance de la « vague belge d’ovnis triangulaires en 1989-90 », j’ai perdu temporairement mon objectivité en confondant un avion de ligne (confirmé par une observation du ciel deux soirs après) avec un objet insolite en forme de « triangle reconstitué » par les 3 feux de signalisation aériennes. On peut donc constater que des stimulis très divers (rêve, Lune, auto, avion, défaut technique sur pellicule, ombres dans un bosquet, etc) peuvent être à l’origine d’une méprise visuelle, touchant tout public (adolescente, maire d’un village, astronome amateur, famille entière, journaliste, ufologue…)
Cette particularité cognitive a donc deux conséquences :

-Le témoin croit à la scène sans restriction,
-Le témoin réagit émotionnellement comme si c’était la réalité.

Et oui cela correspond aux réactions de nos chers témoins d’ovni. Ils croient que ce qu’ils ont vécu est totalement la réalité (transformation de l’ovni due aux déformations de la lune par des nuages, effets d’optique, etc) et réagissent émotionnellement (peur panique de la passagère d’un véhicule semblant être suivi par …la Lune, lire le dossier « Opération SAROS » du CNEGU (5) cas de Laville-au-Bois (52) le 19 avril 1976.
Il faut aussi rapprocher cet « état second » de la conclusion du travail d’ Arnaud Esquerre sur l’analyse des témoignages recueillis par le GEIPAN via la gendarmerie nationale (. Il conclut assez étonnamment que l’expérience de l’évènement extraterrestre est très semblable au sentiment amoureux. C’est-à-dire que c’est une expérience très personnelle et hautement subjective. Et pour plagier ce sociologue, je pourrais conclure que l’expérience du témoin d’ovni est très semblable au spectateur d’un film de fiction mais on sait désormais qu’on n’a même plus besoin d’un réalisateur ni d’un metteur en scène pour créer l’illusion du réel.